Retail by VISEO

Tribune d'Expert

Quelles perspectives pour l’Omnicanal ?

Matthieu Du Payrat, Practice Manager POS, revient sur les nouveaux défis rencontrés par le retail et sur les moyens d’y répondre grâce à l’omnicanal.

Aux origines de l’omnicanal

Ces 20 dernières années ont été le théâtre de profonds changements structurels dans le domaine du retail. Convergence des technologies aidant, c’est la notion même de point de vente qui a été remise en question : dans les années 90, nous sommes passés d’un simple commerce monocanal (le magasin physique) à un commerce multicanal, avec l’apparition des premiers sites e-commerce. Les années 2000 ont vu se multiplier les applications mobiles d’e-commerce (WAP, JAVA) déployant une forme d’ubiquité de l’utilisateur, mais encore sans relation avec le point de vente.
 

C’est le cross canal qui redistribue les cartes à la fin des années 2000, avec une intégration des canaux disponibles au sein du parcours du consommateur afin de le fluidifier (ex : apparition de services de type click&collect). Cependant ce premier niveau d’intégration n’est pas parfait et laisse encore voir les coutures de sa fabrication.
 

Entre temps, le consommateur est devenu hyper connecté, jouissant d’un accès continu au web, ce qui a profondément changé son comportement et son statut : de simple client, il est devenu également un acteur, mieux informé, plus aguerri à la navigation, pouvant poster des avis et surtout exigeant une expérience plus riche, comme accéder à du contenu digital personnalisé et pertinent.
 

Enfin, l’omnicanal, apparu depuis 6-7 ans, permet une expérience globale du client sans couture entre les différents points de contact et canaux de vente, l’objectif étant de désiloter les canaux de vente et de les intégrer à un processus global.
 

Pour les marques, le passage à l’omnicanal est donc un passage obligé mais aussi un défi technologique et fonctionnel : il s’agit de retenir l’attention du client et de générer sa fidélisation avec une meilleure expérience d’achat, mais aussi d’améliorer la lifetime value, c’est-à-dire le revenu généré par le client tout au long de son cycle de vie, et de réduire les risques de vente perdues.

Aujourd’hui, le client est très actif sur les réseaux sociaux et peut vite répandre une mauvaise image suite à une expérience d’achat déceptive : c’est ce qu’il faut contrer en amont en proposant une expérience personnalisée, transverse, et qui cultive l’idée, en bout de course, d’un véritable commerce unifié.

Le digital permet de repenser le retail

Aujourd’hui la synergie entre digital et retail n’est plus à mettre en question, puisque plus de la moitié des ventes sont désormais impactées par le digital. Un élément nouveau rentre en compte : c’est l’impact croissant des ventes digitales dans les magasins eux-mêmes, ce qui impose de repenser l’ensemble des processus.

Le parcours utilisateur est désormais hybride : aujourd’hui un client peut très bien effectuer un retrait en magasin après une réservation faite en ligne. On observe ainsi deux grands types de parcours :
 

  • L’e-reservation pour les produits à plus faible valeur ajoutée et à grande profondeur de stock

  • Le click’n’collect plus pertinent pour les produits à forte valeur ajoutée, qui souvent nécessitent un délai de restockage plus long.

On remarque également depuis un certain temps la démocratisation du ship from store, qui permet de proposer en ligne un produit disponible en magasin et absent en stock. Autant de nouvelles façons pour le client de s’adresser à une plateforme de paiement, d'où la nécessité pour les fournisseurs et les marques d’interroger efficacement leurs propres processus et de se poser les bonnes questions quant au choix de l’architecture.
 

Il y a dix ans les solutions n’étaient pas encore matures, et le choix de l’architecture se heurtait vite à des contingences technologiques. Aujourd’hui, alors que les technologies sont en place, la question devient complexe, car ce sont des choix qui engagent sur le long terme. Parmi les questions qu’il faut se poser lors de la mise en place d’une architecture, celles-ci sont essentielles :

  • Quelle promesse client faut-il tenir ? (délais de livraison, services proposés…)

  • Quelle volumétrie souhaite-t-on traiter avec l’architecture, et dans quel type de temporalité -temps réel ou non  (Pour exemple le géant chinois Ali Baba a récemment battu tous les records en traitant 812 millions de commandes en une journée…)

  • Quel type de paiement : il faut réfléchir en amont à la promesse que l’on veut avoir en termes de fidélité de paiement

  • Quel type d’organisation juridique : quelle structure va porter le chiffre d’affaires web, comment va se ventiler le chiffre d’affaires entre web et retail, comment gérer les stocks en fonction des canaux ?

  • Schémas logistiques : quels sont les schémas de transports, les modes de livraison (crossborder ou non) etc…

  • Organisation opérationnelle : Avec une convergence accrue entre retail et digital grâce à l’omnicanal, qui occasionne des référentiels et des clients communs, il faut rebâtir des process pour qu’ils soient les plus efficients possibles.

 

Une fois ces questions d’architecture posées, il faut appréhender l’ensemble des briques fonctionnelles qui seront à déployer : soit en utilisant des solutions dédiées, soit en s’appuyant sur ces solutions de E-Commerce.
 

Aujourd’hui 4 grands types d’architectures sont à différencier :

  • une architecture Point of Sale (POS) Centric qui est capable d’avoir un vrai rôle d’ERP, et qui va gérer l’ensemble des fonctions et des référentiels. Une solution riche en termes de fonctions omnicanales, très orientée pour les opérationnels et particulièrement adaptée aux fonctions finance & achat.

  • une architecture ERP Centric, plutôt pensée pour les fonctions financières et achats, avec une intégration « light » entre le e-commerce et le retail. C’est l’ERP qui pilote directement le warehouse, avec un peu d’intégration entre le e-commerce et le POS. Une solution qui permet d’intégrer l’historique d’un canal pré-existant, avec des fonctions omnicanales et des fonctions finance riches. Une solution efficace pour les opérationnels de la finance avec une vision consolidée des clients, stocks et commandes dans CEGID.

  • une architecture s’appuyant sur un POS et un ERP forts où toutes les commandes e-commerce transitent par le POS, qui gère les commandes, le prix de vente, l’order management global. Un POS omniscient et un ERP fort qui combinent l’intérêt des deux précédentes solutions.

  • une Architecture best-of-breed modulaire, s’appuyant sur des briques dédiées pour chaque fonction : une architecture très riche mais aussi très onéreuse en termes de build. Elle est très modulaire et real-time, avec un Order Management System (OMS) qui et le chef d’orchestre et qui pilote le traitement des commandes.

Vers une intégration réussie

Au-delà du choix de l’architecture, il faut ne jamais perdre de vue les mantras du retailer confronté à la digitalisation de ses marketplaces : anticiper la cible, être agile dans une approche test & learn, gérer la complexité et les processus transverses, favoriser la collaboration, voici les 4 points détaillés pour élaborer une architecture omnicanale efficace :

  • Anticipate the target : Bien cadrer les besoins actuels et futurs pour définir une architecture qui va vous engager sur le long terme.

  • Test & Learn : il faut également adopter une approche test & learn. En effet, dans un environnement qui innove en permanence, il faut régulièrement tester le potentiel de nouveaux concepts.

  • Manage the complexity : L’omnicanal met en jeu des process transverses et de nombreuses briques IT. Il faut bien gérer la coordination au sein de chaque projet, et la coordination globale des différentes initiatives que vous menez en parallèle.

  • Favour collaboration : Il s'agit de projets qui touchent à l’ensemble de votre organisation, à la croisée du digital et du retail, du métier et de l’IT. Il est important de mettre en place une gouvernance claire et qui favorise la collaboration.

De nombreuses entreprises font face à cette problématique : un historique de SI important, avec de nombreuses couches d’ERP différents, peut constituer une véritable usine à gaz. Cela requiert d’être agile dans la réflexion archi, en ajoutant une couche simplificatrice afin d’interfacer les ERP et de porter tous les sujets d’omnicanalité. Il s’agit à la fois de rationaliser et d’agréger les stocks.
 

Face à la multiplication des solutions existantes, le rôle de l’intégrateur est donc primordial, tant il permet au client de pouvoir surligner ses propres défaillances et d’adapter sa stratégie de façon réflexive et non linéaire.