Tribune d'expert
Live shopping : Pratique éphémère ou un nouveau mode pérenne de consommation ?
Vous voyez, depuis quelques mois, fleurir sur vos fils d’actualité des vidéos de vos marques préférées proposant des offres attractives. Curieux, vous cliquez sur le lien proposé en commentaires et vous voilà propulsé à observer une vente en direct. Des commentaires d’internautes défilent à côté de la vidéo et des fiches produit chatoyantes attirent votre regard.
Myriam, Consultante Design & Product VISEO dans notre équipe Digital Consulting vous présente… le Live Shopping.
Venue tout droit d’Asie, cette technique e-commerce hybride (mi téléréalité/mi téléachat) consiste pour une marque à vendre ses produits/ses services en direct à travers un format vidéo live et interactif.
En quoi cela se démarque d’une vente e-commerce traditionnelle ?
Pour m’aider à répondre à ces questions, je suis partie à la rencontre de plusieurs start-ups qui animent cet écosystème en pleine construction particulièrement sur le segment des solutions de diffusions et de production.
Live shopping : un téléshopping augmenté ?
Le live shopping est une évolution de ce que nous voyons sur nos écrans de télé depuis 1987 : le téléshopping. Cette émission quotidienne et matinale est une succession de démonstration produits en tout genre.
L’objectif ?
Créer le besoin chez le téléspectateur avec un sentiment de rareté à l’offre. On appelle cela le FoMO (Fear of Missing Out) soit la crainte de rater quelque chose, et donc . Elle va l’influencer à consommer de façon impulsive.
Quand le téléshopping rend l’acheteur spectateur, le live shopping le rend acteur et amplifie ce fameux FoMO tout en créant ainsi un nouveau rapport plus horizontal et spontané avec la marque. L’engagement de ce dernier est démultiplié grâce à l’utilisation du social et de l’interactivité. Il peut avoir un impact sur le programme en interagissant directement avec l’animateur sur le plateau, et in fine, acheter. On parle de « commerce conversationnel » soit une activité déclenchée à partir des conversations menées par les internautes.
Selon Victor Galinet, co-fondateur de Mojo Studio, agence de vidéo marketing et social media, "d’ici deux ans le live shopping sera la norme ». Les marques vont pouvoir se démarquer de la concurrence et installer une proximité (parfois perdue) avec leurs clients."
Les origines
En 2015, le géant chinois de l’e-commerce, Alibaba, lance à l’occasion du « Single day » (la fête des célibataires) un dispositif inédit de live shopping durant 24h non-stop en simultané sur son site, son application mobile et sur la télévision nationale. Le succès est au rendez-vous et l’achat en live devient incontournable. En 2021, le marché du live shopping en Chine représentait de 300 milliards de dollars soit le double de l’année précédente.
En Europe, c’est la pandémie avec la fermeture des commerces dit non-essentiels, qui a contraint les marques à s’adapter et adopter ce nouveau canal de vente.
Selon une étude de la FEVAD, si à l’heure actuelle en France 18% des cyberacheteurs ont en déjà entendu parler et 12% ont déjà participé à une session de live, 45% d’entre eux trouvent le concept intéressant. Ce sont près de 42 millions de cyberacheteurs qui sont recensés en France sur l’année 2021 d’après l’Observatoire des Usages Internet de Médiamétrie
Son fonctionnement ?
A la différence d’un placement de produit en live ou différée, un widget est implémenté sur la plateforme e-commerce de la marque afin que, durant la diffusion, puisse apparaitre des fonctionnalités interactives permettant de simplifier la relation (le chat) et l’achat (l’ajout au panier). Cette expérience sans couture permet d’optimiser les taux de conversions (entre 15 et 35% contre 1,5% sur un site e-commerce).
La marque peut s’adresser à son public de trois manières différentes :
- One to One : seul avec un « personal shopper »
- One to Few : réservé à un groupe de personnes restreints
- One to Many : un public large, une communauté
Une diffusion grand public peut s’effectuer en simultané sur d’autres plateformes sociales telles que Méta, Youtube ou Twitch afin d’élargir l’audience. Elle peut également être conservée sous forme de replay (+200% de vente pour Electro dépôt dans les 48h suivant un live). L’expérience n’est pas encore complètement intégrée : le paiement n’est pas possible sur les réseaux sociaux. L’internaute doit se rendre sur le site de la marque. On me souffle à l’oreillette que cela devrait changer d’ici peu.
La recette d’un bon live ?
Selon la Mobile Marketing Association, il a été annoncé plus de 600 live réalisés en France en 2021.
Sur les premiers live, ce ne sont pas tous des réussites pour différentes raisons :
- Un matériel inadapté (cadrage, luminosité)
- Une focalisation sur la popularité de l’animateur (méconnaissance du produit)
- Un inconfort dans l’exercice d’animation
Les conséquences de ces live « fait-maison » sont un taux d’abandon significatif en cours de live, un taux d’acquisition faible par rapport au temps investi et une image de marque affaiblie.
Le live shopping s’inscrit comme un support de l’animation commerciale qui n’a aucune vocation à se substituer à l’expérience physique. Intégrée dans une stratégie marketing, il apportera, en plus d’une touche d’humanité au e-commerce, une expérience 360° au client et impactera positivement les indicateurs de performance (upsell, rétention, satisfaction, etc.) s’il est bien exécuté.
Le live shopping s’articule autour de 3 grands piliers : le software (la solution), la production (la mise en scène) et l’audience (le ciblage).
Le software
Capturer et retransmettre le live est sa mission principale. Il doit être simple d’implémentation, fiable et posséder une interface responsive (compatible à chaque taille d’écran) pour un confort de navigation de l’ensemble des cyberacheteurs.
Les logiciels présents sur le marché permettent :
- D’être intégré sur le site marchand de la marque et/ou des pages dédiés (comme par exemple Decat’Live ou Sephora TV)
- De gérer un back office
- De modérer des commentaires dans le chat de discussion
- Incorporer des fiches produit
- Enregistrer et diffuser le replay
Nous pourrons peut-être bientôt voir apparaitre de nouvelles fonctionnalités de gamification : l’ajout d’un sondage ou l’invitation à un internaute à participer au live via un partage d’écran. Rêvons un peu et imaginons un live shopping dans le Métaverse avec le sentiment pour l’utilisateur de pouvoir manipuler le produit et communiquer ses sensations en direct.
La production
L’absence du matériel, de l’espace nécessaire et de la compétence pour ce type de réalisation peuvent manquer chez les marques. Elles peuvent s’entourer de professionnels de la production tel que Mojo Studio ou Livewan. Ce dernier vient d’ouvrir le premier centre de production de Live Shopping d’Europe. Intitulée la « Live Factory », elle met à disposition 600m2 de studios aux marques.
L’audience
Nombreuses sont les marques qui sollicitent les influenceurs pensant que leur notoriété apportera l’audience nécessaire. A l’heure de l’inflation des cachets des influenceurs (entre 1 500 et 20 000€), les marques s’interrogent sur la valeur apportée par de tels partenariats
Si nous prenons l’exemple de Decathlon, leader en France sur l’équipement sportif, ce dernier les sollicite peu et s’appuie sur les compétences en interne de ses collaborateurs. Si cela conduit à des émissions enrichissantes sur le fond, la forme reste très conventionnelle. L’animation ne peut en effet s’improviser : c’est un métier.
Par exemple, la marque américaine BEEKMAN, une enseigne de cosmétique américaine, a pris la décision d’intégrer fortement le live shopping dans son mix marketing avec un rendez-vous bi-hebdomadaire. Elle sollicite la présence simultanée d’un expert produit interne à la marque et d’un influenceur afin d’apporter un équilibre entre l’information et le divertissement. Une opération séduction pour une conversion réussie : 1 500$ sont dégagés par minute durant le show. La base CRM est mobilisée pour inviter l’ensemble des clients et prospects à assister à l’évènement. De son côté, l’influenceur va stimuler sa communauté. Une rémunération fixe lui sera proposée et sera complétée grâce aux ventes réalisées durant le show.
Choisir une personnalité qui colle aux valeurs de la marque, qui accepte d’être briefée et d’être, le temps du live, son ambassadeur (surtout pas le contraire) est indispensable.
Quel avenir pour le Live shopping ?
Selon le cabinet Frost et Sullivan, l’activité du live shopping devrait rapporter 413 milliards de dollars, tous continents confondus, et occuper 10 à 20% du marché de l’e-commerce d’ici 2026 (Mc Kinsey). De telles prévisions laissent à penser que ce phénomène tend à se pérenniser. Le cyberacheteur est exigeant, veut aller plus vite, faire simple et avoir confiance. Scénariser son produit et procurer une expérience authentique (même à distance) sont devenus un argument crucial de vente.
Nous tenons à remercier toutes les personnes qui nous ont permis de découvrir le sujet et de comprendre son évolution :
- Victor Galinet, Mojo Studio
- Geoffroy Robin, Livescale
- Julien Chapon et Arthur Luce, de Livewan
- Antoine Leclercq, de Caast