Laval Virtual by VISEO

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Laval Virtual 2019: la réalité virtuelle au cœur de la promesse de l’information

La 2ème édition du Laval Virtual Days Media chez Radio France replace la réalité virtuelle au cœur de la promesse de l’information : la priorité au contenu. Un compte rendu de Clémence, Consultante Innovation VISEO

En entendant les mots de réalité virtuelle ou de réalité augmentée, il m’est arrivé d’imaginer un monde un peu inaccessible, à sensations fortes, où se rencontraient confusément des robots et des hommes immenses en casques dorés, dans une bulle virtuelle digne de The Truman show. Evénement dédié à la mise en œuvre de ces technologies dans les médias, le Laval Virtual Days chez Radio France démêle mes fantasmes.
 

Quel est le bénéfice apporté par la réalité virtuelle et la réalité augmentée dans la consommation de l’information ? Quel contenu est concerné ? Quel consommateur est visé ? Quel modèle économique pour être rentable dans les médias ? À travers les témoignages et retours d’expérience de diffuseurs, d’éditeurs et producteurs de contenus en réalité virtuelle – la plupart des discussions portent en effet sur cette technologie et non sur la réalité augmentée -, cette matinée permet d’apporter des premières réponses.

Un contenu qui permet l’immersion

C’est la promesse de la réalité virtuelle ! Et Radio France est la candidate idéale pour s’en emparer dans les médias. Fidèle à sa ligne éditoriale, la radio publique cherche en effet à offrir une information de proximité, où l’émotion et l’humain « du terrain » soient retranscrits de manière la plus complète possible. La technologie immersive permet de faire un pas dans cette direction, en plaçant l’utilisateur dans une sphère visuelle et sonore proche de la réalité, pour qu’il puisse se faire un avis et mieux vivre les choses sur le plan sensoriel. 
 

Pour illustrer cela, un journaliste et un technicien de France Bleu Mayenne présentent un reportage sur Le Genest-Saint-Isle, village inondé en juin 2018. Sur le plan technique, ils ont utilisé une caméra Nikon 360° et ont effectué une prise de son du périmètre en qualité binaurale. L’enregistrement du reportage lui-même et les séquences radio préenregistrées ont été replacés dans cette sphère sonore. Des photos et visuels ont ensuite été incrustés en direction de la parole, pour que naturellement l’utilisateur les voit lorsqu’il tourne la tête vers l’endroit d’émission du son.

 

                                     

 

Un média « tout en un », dernier-né de l’histoire de la démocratisation des médias

Viktor Agulhom de Targo - start up qui se définit comme le premier media en réalité virtuelle, diffusé sur les plateformes spécialisés et accessible par casque – commence par un peu d’histoire. Au début du XXe siècle, après avoir été, pendant des siècles, écrite puis imprimée, l’information a été amenée à l’utilisateur final par voie audio (par la radio). Le son a rapidement été associé à la vue (à la télévision). L’audio et la vidéo ont ensuite été mis à la disposition de l’utilisateur, en lui permettant d’interagir avec le contenu et de se l’approprier (sur le web). Enfin, l’expérience a été disponible en mouvement (sur mobile).

La Réalité Virtuelle permet d’atteindre un nouveau stade, en offrant un « tout en un », pour entrer dans une histoire par le son, la vue, l’interaction, le mouvement, chacun complétant l’autre. Elle continue le processus de connexion de la personne à l’expérience réelle. Nouvel outil pour les médias, elle peut être considéré comme un média à part entière. Sylvain Roland de TF1 résume les choses ainsi : « On passe de raconter ce qu’on vit à faire vivre ce qu’on raconte ». Arte, à son tour, retrace 30 ans d’évolution des écrans et du son, de la télévision aux « headsets », de l’analogique, au numérique à la 4K… et présente la notion de « Internet of live » - un nouveau buzzword ? - représentés par les écouteurs activables à la voix et les téléviseurs holographiques.
 

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Le contenu est roi 

 Quels sont les contenus concernés par ce nouveau média ? Concrètement, la réalité virtuelle permet une meilleure compréhension de sujets complexes sur le plan sensoriel, par exemple la chute libre en parachute, ou les sensations du corps pour le line walker. Tous les contenus ne s’y prêtent pas et le piège de la réalité virtuelle est de justifier un sujet uniquement par la technologie.

Jérémie Payou, producteur du documentaire « Accused #2 » avec La Générale de production, a voulu frapper fort et faire revivre le procès « Rivonia » de Mandela en 1964. Le film s’intéresse à l’accusé numéro 2, héros méconnu de la lutte contre l’apartheid et mentor de Mandela : Walter Sisulu. La base de la réflexion sur l’intérêt de la réalité virtuelle vient des contenus d’archive. Le son guide l’écriture : la voix d’archive est localisée dans le cerveau, donc localisé dans l’image, et le reste du reportage historique est construit autour de cela. 

La Réalité Virtuelle permet de vivre une expérience totale…

Mais à quoi cela sert-il de vivre l’expérience de manière plus fidèle ?
 

La réflexion est intéressante, par exemple dans le journalisme de guerre. Est-il possible de cibler les jeunes appelés à s’engager dans un conflit et de les sensibiliser à ce que c’est, réellement, la guerre ?  Chloé Jarry nous fait entrer dans une autre dimension, en revenant sur son projet lancé il y a 2 ans : « The Enemy », vidéo de 50 minutes et expérience immersive en réalité virtuelle. L’auteur et réalisateur Karim Ben Khelifa est photographe de guerre. Le participant se retrouve dans une confrontation de combattants et partage leurs points de vue, différents puisqu’ils sont ennemis, sur les conflits intergénérationnels. Il met à l’épreuve sa capacité d’empathie. Le caractère innovant vient de l’adaptation de l’expérience au comportement de l’utilisateur.  De plus, vingt personnes peuvent vivre en simultané le scénario.


Canopé, réseau de création et d'accompagnement pédagogiques, a sorti une étude sur « The Enemy ». L’étude révèle la force de l’impact du contenu sur les participants et l’engagement physique qu’il requiert. Il n’y a « plus d’écran », disent-ils, et pourtant, ils ont un casque sur la tête et une machine sur le dos. Ces retours mettent en avant la grande responsabilité qu’ont les producteurs de contenus. On peut se demander si l’impact constaté est souhaitable.
 

Sur la question de la fidélité de l’expérience à la réalité, dans un contexte marqué par la lutte contre les infox, TF1 prône la transparence de la réalité virtuelle, qui supprime les cuts et hors champs et pourrait faire baisser la suspicion.

Le bon canal de diffusion et le modèle économique, incontournables pour la viabilité de ce média, n’ont pas été trouvés

« The Enemy » a pour modèle économique la billetterie sur les lieux d’expositions. Le projet a aussi développé une application qui a été téléchargée dans 104 pays. La diffusion sur les réseaux sociaux Facebook et YouTube reste néanmoins le canal le plus simple pour les diffuseurs, sur le plan logistique et pour assurer une rentabilité publicitaire. L’idée serait alors de rendre les contenus plus rapidement monétisables, via des plateformes programmatiques avec des annonceurs pouvant se positionner instantanément. Mais est-ce un modèle de long terme ? La consommation est rapidement indigeste sur Facebook et YouTube. TF1 a choisi de tout miser sur ces plateformes mais reconnait ne pas être rentable. La consommation sur les plateformes spécialisée est, quant à elle, dépendante de la présence du casque dans les foyers. Le nombre d’utilisateurs reste confidentiel bien qu’en progression depuis 6 mois avec la sortie du casque Oculus (casque standalone, au prix plus abordable, avec une définition adaptée aux jeux et la présence de contrôleurs de mouvement…)

La réflexion sur le business model semble à l’état d’ébauche. Au-delà de la publicité, les contenus peuvent être financés par des sponsors. Une autre possibilité est de créer des contenus en marque blanche, commercialisés auprès de plusieurs médias. On peut aussi réfléchir à davantage d’événements dédiés. Beaucoup soulignent, par ailleurs, la complémentarité des audiences. Les consommateurs de contenus en réalité virtuelle ne sont pas fidèles à l’éditeur mais peuvent créer des passerelles.
 

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Conclusion

 La réalité virtuelle permet d’aller plus loin dans la façon de délivrer l’information ; c’est un nouveau média dont on peut souligner la valeur ajoutée lorsque le contenu s’y prête. Mais les médias ne semblent pas encore mûrs pour se l’approprier vraiment, sans être opportunistes. La diffusion et le modèle économique ne sont pas mûrs non plus, tout comme le public qui reste confidentiel et peu équipé. Le contenu donnera-t-il envie de s’abonner à des plateformes spécialisées ou d’acheter un casque ? Facebook et YouTube sont des plateformes intéressantes en ce sens qu’elles sont populaires et rendent les contenus viraux.

Enfin, ce média est porteur d’avenir mais soulève des questions éthiques (les effets sur le cerveau par exemple) et de modèle.

Pour terminer, l’arrivée de la 5G va-t-elle changer les choses, par la qualité de débit et de transmission des données qu’elle rend possible ? Des réflexions sont également menées sur la mémoire du web. Les algorithmes changent la manière de voir l’histoire. Comment la réalité virtuelle peut-elle s’emparer de ces archives et les manipuler ?

 

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