Tribune d'expert
COVID-19: Neuf chantiers digitaux pour que le secteur de la mode et du luxe sorte plus fort de cette crise - Partie 2
Quentin Bardet, Secrétaire Général du Comité Exécutif VISEO, nous expose en détail 9 clés à suivre par les retailers pour s'adapter à la nouvelle donne du monde frappé par le COVID-19 et sortir plus forts de la crise.
1) Compenser l'érosion des ventes et des marges
- Les acteurs doivent chercher des projets avec un retour sur investissement démontrable, privilégier les projets qui ont un impact rapide sur la profitabilité ; on cherchera les solutions visant l’optimisation de l’allocation des stocks, des markdowns, du pricing pour préserver ses marges - avant d’inventer le retail du futur. Les suites qui vont également donner de la visibilité sur l’activité et la performance financière, en vue de prendre des décisions financières éclairées, doivent être repriorisées.
Key technologies :
o Digital order management
o Analytics
o Planning (demand planning, budget planning...)
- Devant l’inconnue des financements, ces acteurs doivent aussi favoriser les projets qui se prêtent à des cycles courts de mise en œuvre et un retour rapide sur investissement pour prévenir les situations de credit crunch : du tactique plus que du stratégique, des petits projets agiles se finançant sur le cash back des précédents plutôt que les programmes pluriannuels qui supposent d’engager des fonds importants et sur une durée longue avant de constater un retour sur investissement. Par ailleurs, la rationalisation IT, qui ne date pas de cette crise, gagne en enjeux – toute approche d’industrialisation gagne en pertinence : il faut privilégier les outils standards sur les clouds, des solutions SaaS non customisées, pour pouvoir répliquer les déploiements plutôt que chercher à épouser les spécificités de chaque entité, ce qui rallonge les projets et complexifie la maintenance. Le temps des compromis est arrivé en la matière.
Key technologies :
o Moins de grosses solutions spécifiques et de programmes pluriannuels, plus de déploiements de solutions cloud standard
o Une approche adoptant les principes agile & le product thinking pour être orienté par les résultats métier
- Enfin, cette période de récession est un argument de plus pour basculer vers les solutions, infrastructures ou applications, qui s’adaptent aux besoins, à la hausse ou à la baisse, et optimisent le coût global (TCO). La demande erratique est un bon motif pour accélérer la bascule en cours vers le « as a service » plutôt que les investissements fixes en licences et en machines.
Key technologies :
o Bascule vers les solutions payées à l’usage - Cloud IaaS & SaaS notamment
o Industrialiser les approches et les projets
2) S'adapter aux nouveaux usages accélérés par la distanciation sociale
Le confinement transforme de façon étonnamment rapide et profonde les comportements des consommateurs - Il suffit de regarder le rythme d’adoption du paiement sans contact, de la signature électronique ou des solutions de communication vidéo pour voir que les mutations des usages s’accélèrent de façon inédite. Sous la contrainte et l’effet de la peur, la résistance au changement s’écroule.
Source : BCG
- A l’issue d’une première période de confinement et en anticipant d’éventuelles répliques, les retailers doivent répondre au besoin de virtualiser les contacts pour longtemps – la réponse aux exigences de « distanciation sociale ». Evidemment, c’est un argument en faveur d’investissements dans le commerce online, pour proposer la complétude de l’offre et en faire un canal majeur, mais aussi de tous les formats alternatifs au grand point de vente traditionnel – commerce conversationnel, assistants virtuels, mobile… Le digital, qui permet de concilier commerce et distanciation physique, va connaitre une adoption « forcée » et ceux qui sauront jouer de cette obligation sanitaire vont capter des parts de marché. Déjà au cours du mois de mars, Listrak notait une augmentation de 40 % des ventes depuis la déclaration de l’état d’urgence par rapport à l’année précédente sur un panel de 850 enseignes en ligne américaines.
Key technologies :
o Digital Commerce platforms / unified commerce
o Mobile apps
o Chatbots / vocal assistants
- Au-delà de la phase transactionnelle, les modalités de livraison se transforment très rapidement : des retailers inventent des livraisons en porte à porte, ont recours à des plateformes comme Uber eats pour livrer leurs articles, adaptent leurs politiques de retour produit, s’efforcent de donner la meilleure visibilité sur leur chaîne d’approvisionnement pour palier à ses inconnues… De la même façon, les technologies de recherche et de sélection de produit doivent se réinventer pour permettre de flâner différemment et permettre aux clients de découvrir, tester et faire des achats plaisir de chez eux.
Key technologies :
o DOM
o AR / VR
o Visual recognition
- Le client est obligé de revoir ses habitudes et se retrouve beaucoup plus affranchi des enseignes traditionnelles de son environnement physique immédiat – dans ce « moment de vérité » inédit, où le client est prêt à revoir ses marques et enseignes, les programmes digitaux d’engagement et de loyauté sont clés pour garder ou conquérir des clients beaucoup moins captifs de leur routine passée. Enfin, les outils de segmentation et de connaissance client sont une façon de pallier l’absence de contact physique avec un vendeur pour l’orienter et répondre de façon personnalisée à ses besoins – pour mieux, in fine, transformer.
Key technologies :
o CRM
o Marketing automation
o Moteurs de recommandation / substitution
3) Revoir sa chaîne logistique et opérations pour renforcer leur résilience aux perturbations et leur flexibilité
Le contexte apporte son lot de contraintes et d’exigences nouvelles en matière d’opérations retail et les acteurs doivent muscler leurs systèmes pour gagner en résilience et en agilité, prévoir les ruptures dans la chaîne et diversifier leurs sources d’approvisionnement.
Cela plaide pour ne surtout pas geler les projets de modernisation des systèmes de gestion de la production et de la logistique, qui étaient en train de digitaliser pour donner une meilleure visibilité de bout à bout et offrir plus de flexibilité. C’est aussi un motif pour introduire ou reprioriser un certain nombre d’autres projets :
- Des rayons de pâtes et de farine vides et des articles de rasage et de soins pour le corps délaissés – la situation déjoue toutes les prévisions et le secteur mode et luxe n’échappera pas à cette tendance. A défaut de savoir anticiper l’imprévisible, les retailers doivent multiplier les reforecasts en élargissant les parties prenantes, renforcer leurs capacités de monitoring des stocks pour avoir une visibilité de bout en bout, prévoir là où c’est possible de nouvelles chaines d’approvisionnement et multiplier les options, jusqu’à fabriquer à la demande.
Key technologies :
o Collaborative planning
o SCM (digital procurment, S2P)
o Impression 3D
- Le confinement nous a amené à réinventer notre façon de travailler. La technologie s’est invitée pour pallier les indisponibilités, absences et la distance, et la combinaison homme-machine, vieille lune réactualisée à l’ère de l’Intelligence Artificielle, se regarde d’un jour nouveau.
Key technologies :
o Digital Workplace
o Mise en mobilité des outils et systèmes, consultation depuis des apps et le web
- Enfin, si les programmes informatiques ont toujours été sujets à des virus, celui aujourd’hui en cause ne peut rien contre les machines. C’est aujourd’hui le bon moment d’accélérer l’automatisation des process et la mise en œuvre de toutes les promesses de l’Intelligence Artificielle qui doit compléter l’humain dans ses tâches.
Key technologies :
o RPA
o iBPMS, process automation
o AI / ML
Et si finalement la crise était une opportunité ?
Au cœur de la crise, le responsable du digital d’un acteur du luxe et de la mode doit garder le cap de modernisation du SI qu’il s’était fixé avant la rupture, ne pas sacrifier ses objectifs de transformation sur l’autel de l’urgence sanitaire et financière, mais montrer sa capacité à reprioriser ses objectifs en fonction du contexte et des nouveaux impératifs de l’entreprise. C’est un défi, mais aussi une incroyable opportunité tant le contexte accélère les transformations des usages et met en lumière l’importance de systèmes flexibles, agiles, mobiles, automatisés. Un contexte tout schumpétérien de destruction créatrice où ceux qui sauront dégager les bonnes priorités gagneront dans la durée.
Au final, la crise est une contrainte forte mais peut être aussi une opportunité : les acteurs qui auront su moduler les restrictions sur les investissements, ne pas sacrifier l’avenir sur l’autel des plans d’économies et de réduction de coûts, réallouer leurs moyens rapidement vers les nouveaux enjeux sortiront dans une position durablement meilleure que leurs compétiteurs. C’est une leçon de la dernière grande crise de 2008 clairement mise en évidence par Gartner : comme en course automobile, les gagnants sont ceux qui savent accélérer dans les virages. Et ils gagnent dans la durée : les meilleurs repérés par Gartner ont fait croître leur résultat de 13% par an en moyenne quand leurs pairs les voyaient se contracter de 1% par an sur 2009-2017. Encore faut-il éviter la sortie de route en ayant clairement en tête quelques principes forts pour éclairer ses décisions.
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